Mohamed Hadj BOUHOUCH

L'UNION POUR LA MEDITERRANEE

      

 

     La mer méditerranée, ce grand bassin de 2,5 millions de kilomètres carrés, a toujours été une voie de transport maritime, utilisée depuis l’Antiquité, par les peuples de la région, pour leurs échanges commerciaux et culturels. Mésopotamiens, Egyptiens, Perses, Phéniciens, Carthaginois, Grecs et Romains ont tous sillonné les eaux méditerranéennes et installé des comptoirs de part et d’autre du bassin, ce qui avait déjà permis, dans les temps anciens, d’établir des rapports humains et de tisser des relations entre les différentes civilisations de la région.

     L’expansion coloniale du 18 et du19 e siècles, à la recherche des matières premières et de nouveaux horizons de profit, a donné lieu à une plus grande interpénétration entre pays de la région et à l’établissement de rapports plus étroits sur les plans économiques et culturels.

     Mais après l’avènement des mouvements de libération et l’indépendance de la quasi-totalité des pays de la rive Sud, les données  et les rapports entre Européens et  les autres Méditerranéens ont pratiquement changé, devenant des relations entre pays souverains, ou plutôt entre anciens colonisateurs et colonisés, d’où l’existence encore aujourd’hui de séquelles inoubliables.

                       UNE UNION POURQUOI FAIRE ?

     Bien entendu la Méditerranée qui fut et reste toujours un creuset de cultures et de civilisations, doit constituer une zone de paix, de contacts humains, d’échanges et de prospérité. Groupant les croyants de toutes les religions du Livre, Juifs, Chrétiens, et Musulmans, cette région se doit aussi de demeurer à jamais un espace de tolérance, et de compréhension.  

      Lancée en 1995, le processus de Barcelone, l’Euromed, est repris à nouveau par l’appel de Rome pour l’union le 20 décembre 2007, par le président français, le président du conseil des ministres italien et le président du gouvernement espagnol qui ont établi  les grandes lignes du projet de l’Union et invité les chefs d’Etat et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée, à une réunion le 13 juillet à Paris.

      Pour les instigateurs de cette idée, il s’agit d’instituer un partenariat entre les pays du pourtour de la Méditerranée, en vue d’une coopération, d’une mobilisation des sociétés civiles, des entreprises, des collectivités locales, des associations et des ONG.

       Selon Alain Le Roy ambassadeur en charge du projet pour la Méditerranée il sera question en priorité de la dépollution de la Méditerranée à l’horizon 2020, d’investissement des entreprises dans les projets liés à l’eau, au réchauffement des nappes phréatiques, à la création d’un système d’irrigation, à la mise en place d’une autoroute maritime entre Alexandrie et Tanger, d’un plan solaire méditerranéen. Le programme prévoit également des projets agricoles et un espace scientifique méditerranéen.

      La rencontre de Paris aura pour but de fixer les principes et l’organisation de l’Union, ses objectifs immédiats et lointains, les domaines de coopération prioritaires, de se mettre d’accord sur un certain nombre de projets concrets dont les participants essayeront  d’étudier la fiscalité et les sources de financement.

                          UNE UNION ENTRE LE RÊVE ET LA REALITE

     Ce projet d’une Union pour la Méditerranée qui a, en principe, obtenu l’accord de presque la totalité des pays intéressés, a cependant suscité beaucoup de commentaires et provoqué diverses réactions voire des réserves chez certains participants.

     Pour le Colonel Kadhafi cette union est humiliante et constitue un affront pour les pays du Sud. «  Nous ne sommes pas des affamés ou des chiens pour qu’ils nous jettent des os »  a-t-il notamment déclaré. De plus l’UPM va, a-t-il ajouté, rendre sans objet la Ligue Arabe et l’Union des pays africains. Les autres pays arabes restent prudents et attendent des éclaircissements au sujet de la participation d’Israël. L’on craint dit-on une normalisation tacite avec le régime de Tel-Aviv. Le conflit arabo-israélien et celui entre l’Algérie et le Maroc au sujet du Sahara risquent en effet de constituer des accrocs et d’empêcher le fonctionnement normal de l’Union projetée. Ces mêmes pays du Sud de la Méditerranée qui n’arrivent pas, depuis des années, à avoir des relations normales, pourront-ils un jour, dit-on, trouver un terrain d’entente entre eux ?

     Alger semble exprimer des craintes quant à sa place au sein des organismes de direction de la future Union. Le président du patronat algérien Habib Yousfi estime à son tour que pour le moment il n’y a aucune vision claire en matière de financement des projets d’investissement.

     Le commissaire européen au commerce, Mr Peter Mandel a reconnu que le volume des investissements en provenance de l’Europe reste faible. D’autre part les importations et exportations en provenance des pays du Sud de la Méditerranée comptent pour moins de 10% des échanges de l’union européenne, laquelle est  tournée davantage vers les pays de l’Est.

   Le scepticisme des observateurs ne s’arrête pas là.

    Comme l’a si bien dit le professeur tunisien Khalifa Chater, « il faut éviter que le Sud méditerranéen ne devienne le pare-chocs de l’Europe face à l’Afrique ».La plupart des traités d’amitié et de coopération entre les Pays européens et ceux du Maghreb ne parlent que de l’émigration clandestine et du trafic des drogues, comme si la coopération entre l’Europe et l’Afrique devait se limiter à ces seuls domaines.

   Moulay Hafid el Alaoui, président de la confédération  générale des entreprises du Maroc a déclaré en marge de la conférence Med Business Days, tenue les 3 et 4 à Marseille que «  l’Europe doit considérer ses partenaires de la rive sud de la Méditerranée, non pas comme étant des pays pauvres auxquels il faut donner l’aumône, mais plutôt des partenaires à part entière. »

    Pour Mme Leila Sbiti, présidente d’Anima Investment Network, il ne faut pas considérer le sud de la Méditerranée comme « la partie boiteuse » de la zone, comme il faut arrêter également de le voir uniquement comme un marché de consommation. Estimant que le Sud étant un véritable moteur de croissance pour le Nord, Leila Sbiti plaide pour le « développement d’actions conjointes ».   

                                               CONCLUSION

    Le projet de l’Union pour la Méditerranée reste en lui-même, une idée porteuse d’espoir pour cette région que plus d’un lien destinent à un avenir commun.

    Il est cependant nécessaire, pour atteindre cet objectif, de passer par un certain nombre d’étapes et de faire preuve de beaucoup de patience. Certes,  il ne s’agira peut-être jamais d’intégration, mais de simple coopération, étant donné le grand retard à attraper par les riverains du Sud.

    Mais malgré cela, certains dirigeants des pays de la rive sud ne doivent pas voir d’un bon œil l’union projetée, laquelle risque de mettre à nue les pratiques anti-démocratiques de leurs régimes et de réveiller les consciences des jeunes générations qui n’arriveront pas à admettre que leurs dirigeants restent des décennies entières accrochés au Pouvoir, et ce, contrairement aux chefs d’Etat européens élus démocratiquement pour des périodes assez courtes.  

    Il est donc absolument nécessaire pour tous les régimes de la rive sud, de revoir leur style de gouvernement, de manière à devenir des interlocuteurs plus crédibles, en respectant la dignité humaine et les règles les plus élémentaires de la démocratie.

 

                                                                                  LECOMTE

   Article publié sur Agora Vox et Médium4You

   

   

 



02/11/2008
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