Mohamed Hadj BOUHOUCH

RELIGION ET COOEXISTENCE

                         

 

      A une époque où l’Homme a marché sur la lune et envoyé avec succès, des sondes à la planète mars dans l’espoir d’y atterrir un jour, à cette époque de découvertes et de créations scientifiques d’une grande importance pour l’humanité, certaines sectes musulmanes s’affrontent encore à coup de balles et de bombes, dans des combats fratricides, notamment entre Sunnites et Chiites, opposés les uns aux autres pour des différences, pour ne pas dire des détails futiles, dans la pratique de l’Islam.

      L’on se demande comment peut-on concevoir et encore moins admettre qu’au 21e siècle il puisse encore exister de tels antagonismes religieux. Quatorze siècles environ se sont écoulés depuis la mort du prophète Mohammed. Un nombre incalculable d’ouvrages ont été consacrés à l’analyse et aux commentaires de chaque verset et de chaque mot du Coran, de toutes les paroles et actes du prophète. Et l’on continue encore aujourd’hui, à revenir sans cesse et fastidieusement, sur ce qu’on n’a pas cessé de dire et de répéter depuis 1400 ans. Les plus grands et plus éminents docteurs musulmans ne trouvent pas d’autres sujets que ces thèmes, toujours les mêmes,  relatifs à la pratique de la religion ?

     Dans le présent article nous essayerons en premier lieu, de passer en revue les points de divergences qui opposent actuellement  Sunnites et Chiites et, dans une deuxième partie, nous ferons état de la conception de la grande majorité de la jeunesse intellectuelle musulmane, de ce que devrait être demain, le visage d’une société islamique moderne, fondée sur la liberté religieuse et le respect des droits de l’Homme.

 

                    POINTS DE DISCORDE ENTRE SUNNITES ET CHIITES

     Les Musulmans comptent actuellement environ 1milliard 300 millions de fidèles dans le monde dont 940 millions en Asie, 340 millions en Afrique, 36 millions en Europe, et un peu plus de 5 millions en Amérique.

      Les Chiites ne représentent que 15% environ du total mais sont majoritaires en Iran (94%), Irak (63%), Liban (35%). Par contre ils sont minoritaires dans tous les autres pays du Moyen Orient : 30% au Koweït, 16% aux Emirats, 12% en Syrie. Le mot chiite vient du mot chi’at Ali, c'est-à-dire le parti de Ali, cousin du prophète Mohammed.

      La grande majorité des Musulmans appartiennent donc à la secte sunnite.

      Jusqu’à la mort du prophète en 632, Sunnites et Chiites vivaient dans une totale symbiose. Et c’est à partir de ce moment que l’OUMA, la communauté islamique allait connaître les problèmes de succession. Mais après quelques brèves discussions et avis des différents proches du prophète et doctes religieux, le choix du premier Calife (successeur de Mohammed) s’est fixé sur Abu Baker, décédé en 634, auquel succéda Omar (634-644) et Othman (644-656).

       Ce n’est donc qu’après la mort de ces trois premiers Califes que vint le tour d’Ali ibn Abi Talib, cousin du prophète, pour diriger la communauté musulmane. Et ce fut le point de départ des divergences entre les sunnites et les chiites.

                                  Pour ce qui est de la nomination du calife.

     Pour Ali et ses acolytes, la charge de Calife, successeur du prophète, revient uniquement aux descendants en ligne du prophète Mohammed. Avant d’être un chef politique, le Calife est d’abord l’IMAM des musulmans, personnage ayant un caractère sacré, sensé être infaillible et possédant une science surhumaine. Son enseignement a valeur définitive, il connaît les choses cachées et, pour cette raison, tous les fidèles lui doivent allégeance.

      Contrairement aux Sunnites, les chiites considèrent que seuls les descendants de l’Imam Ali sont susceptibles d’être nommés à cette haute fonction et de lui succéder à la tête de la communauté. C’est là en quelque sorte une glorification d’Ali. Les chiites soutiennent d’autre part que le prophète n’est pas mort dans les bras de son épouse Aicha, fille d’Abu Baker, comme cela est communément admis par les Sunnites, mais plutôt dans les bras de sa propre fille Fatima, épouse d’Ali. C’est encore, dit-on, Ali  qui s’occupa personnellement des obsèques du prophète. Pour les Chiites, Ali est le prototype de la bravoure, de la sagesse, un guerrier de valeur et un stratège habile. Pour certains, Ali a accompli des miracles comme la guérison des blessés pendant la guerre. Il reviendrait même, selon eux, après sa mort pour châtier ses ennemis.

       Pour les Sunnites Ali est un personnage très quelconque et c’est pourquoi, dit-on, Abu Baker, Omar et Othman lui ont été préférés, après la mort du prophète.

               LA FONCTION DE L’IMAM CHEZ LES UNS ET LES AUTRES

    Les Chiites attribuent une grande importance au culte de l’Imam. Pour eux, l’Imam est le continuateur de la mission de Mohammed. Il est le seul à connaître le sens intime de l’Islam, communiqué secrètement selon les Chiites, par Dieu à Mohammed, lors de son ascension en 621, puis par le prophète à Ali, et transmis par celui-ci à ses successeurs. L’imam est par conséquent infaillible, exempt de péché et d’erreur. Son autorité doctrinale est définitive et fait foi pour l’interprétation du Coran et de la Sunna .Les Sunnites, par contre, considèrent que le calife est un souverain temporaire, chargé de conduire les affaires de la Communauté et de veiller entre autre, à la protection du caractère religieux de l’Etat.

     Chez les Sunnites l’impeccabilité et l’infaillibilité sont des qualités réservées au prophète. Quant aux choses cachées, elles sont du domaine de Dieu.

     Depuis qu’il n’y a plus d’Imam à la tête des Etats islamiques ayant adopté le rite sunnite, l’imam n’est plus qu’un homme parmi d’autres, qui préside la prière.

     En plus de cette éminence et le caractère sacré donnés à l’Imam, les chiites se distinguent des sunnites par l’existence d’un clergé, hiérarchisé et complètement indépendant du pouvoir politique. En Iran, le guide de la Révolution (Ayatollah) est nommé par un collège de 80 religieux (des mollahs). Il possède d’importantes prérogatives dont celles de nomination aux hautes fonctions de l’Etat. Hiérarchiquement, il est au dessus du président de la République, lequel est élu suite à des élections ordinaires.

         En dehors de ces quelques points de discordances au sujet de la fonction de l’Imam, il n’existe pratiquement pas de grandes divergences dans l’observation des obligations religieuses, entre Chiites et Sunnites. 

                                 

                   DES DIVERGENCES A LA HAINE ET AUX TUERIES

        De l’avis unanime des doctes musulmans, les divergences entre Sunnites et Chiites ne changent en rien l’essentiel de la loi islamique.

        Le contenu du Coran est resté intact et reconnu par l’ensemble des croyants, bien que les Chiites soupçonnent les collaborateurs d’Abu Baker d’avoir supprimé des passages relatifs à leur Imam Ali.

        Les cinq obligations coraniques, à savoir la Chahada, la prière, le jeûne du ramadan, la Zakat et le pèlerinage aux Lieux saints, sont unanimement reconnus comme étant les piliers de l’Islam, bien entendu avec quelques petites différences sans grande importance dans la pratique, comme nous l’avons signalé plus haut.

        Les musulmans ne sont pas les seuls à avoir de telles divergences religieuses. Le Judaïsme a connu un shiisme entre l’an 200 av. JC et l’an 200 de notre ère  Les églises romaines et byzantines ont eu leur conflit vers l’an 400. Les  Chrétiens, catholiques, protestants et autres se sont également affrontés entre 1400 et 1450. De véritables conflits les ont opposées dans le passé. Mais avec le temps, chaque partie a fini par admettre et respecter la différence avec les autres.

       Chez les Musulmans ce conflit a trop longtemps duré, s’est élargi pour s’étendre à des domaines qui n’ont rien à avoir avec la religion.

        Après l’assassinat d’Ali en 661, son fils Hossein qui a conduit les partisans de son père, fut à son tour tué par les sunnites à Karbala (Irak) en 680. Cette mort de Hossein allait consommer définitivement la rupture entre Sunnites et chiites, une rupture qui dure pratiquement depuis presque 1400 ans.

         Selon Hisham Hellyer (Mai 2008) « le problème du conflit entre sunnites et Chiites, est un vieux schisme historique, une division politique, devenue par la suite religieuse. Aujourd’hui, c’est bien le monde politique qui a fait de cette division un problème si monumental ».

         En Irak et au Liban les antagonistes s’opposent encore aujourd’hui dans des luttes armées fratricides, où les uns et les autres sont victimes d’atrocités abominables.

         Les chiites nourrissent une haine implacable envers les sunnites voire contre tous les autres musulmans qui n épousent pas leurs idéaux religieux. Leur théorie, rigide et monolithique, est imposée par la force à tous leurs adeptes. N’acceptant ni commentaire ni point de vue sur leur système religieux, les chiites sont restés de tout temps, enfermés dans un fanatisme sectaire et aveugle, repoussant toute évolution et toute ouverture.

        A noter que les Sunnites bien que plus souples et soit disant plus tolérants, ne sont pas pour autant, plus respectueux des droits de l’homme.

                          DROITS DE L’HOMME ET LIBERTE RELIGIEUSE

               L’Occident estime que la démocratie et la liberté ne font pas encore partie du vocabulaire arabe et musulman. Tous les discours et les prêches portent dit-on  sur le culte de l’extrémisme et la défense, à n’importe quel prix,  de l’héritage légué par le prophète. Plusieurs  auteurs et penseurs arabes, de culture occidentale, soutiennent que la croyance en Dieu et le choix d’une religion sont des affaires strictement personnelles qui ne concernent que l’Homme et lui seul. Chaque être humain a le droit, ajoute-t-on, de pratiquer la religion qui lui plait selon ses convictions intimes et non pas sous la menace et la pression d’une autorité ou d’une organisation quelconque.

      La plupart des observateurs constatent que les Chiites prônent une grande rigueur dans la pratique de l’Islam.  Compliquer davantage les obligations de la religion, s’accrocher à des détails souvent sans grande importance, voire parfois même ridicules, ne peut, selon ces mêmes observateurs, que diviser les croyants et les opposer les uns aux autres, ce qui est le cas, depuis presque 14 siècles. Nul n’a le droit en effet, de se targuer d’être plus musulman que les autres ou de vouloir se passer comme maître dans l’art de prier Dieu. Le Très Haut accepte la prière du petit et du grand, du savant et de l’ignorant illettré. Ce qui compte, avant tout, c’est la foi, c’est la conduite de l’Homme vis à vis de ses semblables, c’est son honnêteté et non pas son fanatisme et sa haine envers les autres.

      Les Musulmans ne représentent que le 1/6 des habitantes de la terre. Est-ce là une raison pour supprimer les 5/6 qui ont adopté une autre religion ? Sur le milliard 300 millions qui adhèrent à l’Islam dans le monde, seuls 14% sont arabes et peuvent lire le Coran dans sa version originelle. Doit-on exiger du reste des musulmans, soit la grande majorité, de pratiquer la religion et de célébrer la prière avec la même perfection que le prophète et ses compagnons ? Non ! Doit-on passer notre temps à prier et à écouter des prêches ? Non ! Ce n’est pas en adorant Dieu jour et nuit que le monde musulman combattra la misère et l’ignorance dans lesquels il est plongé, mais en s’activant, en s’évertuant à rattraper son retard, en travaillant comme l’ont fait les Chinois, en inventant et en créant comme le font les Japonais.

      L’avenir du monde musulman réside dans le respect des droits de l’Homme et plus particulièrement dans le respect du libre choix d’une religion et d’une certaine liberté dans sa pratique. Tout dernièrement un pays arabe a condamné une femme à la prison, pour s’être convertie au christianisme. Je pose la question suivante à tous les doctes de la loi islamique et leur demande : est-ce qu’ils seraient aujourd’hui musulmans eux-mêmes, si leurs ancêtres et leurs parents étaient nés en Australie ou en Finlande ? Certainement non ! Alors ne lions pas la notion de nationalité à celle de confession. Un citoyen d’un pays quelconque a le droit de pratiquer la religion qu’il désire ou de ne croire à rien. C’est une chose qui ne concerne que lui.’’ Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ’’ dit l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 Aout 1789)

    J’admets que c’est là uns attitude encore très difficile à envisager dans le monde musulman actuel.  Cela n’est possible qu’avec l’adoption de la laïcité, autrement dit avec l’application du principe de la séparation des domaines politique et religieux, dans lequel l’Etat reste neutre entre les différentes religions. D’ailleurs comment peut-on, par exemple,  appliquer l’obligation du port du voile dans un pays comme le Liban, où plus du tiers des femmes arabes sont chrétiennes ? Nous le répétons encore une fois, la religion est une affaire entre Dieu et l’Homme, sans aucun intermédiaire.

    Que tous ces prédicateurs bénévoles ou intéressés cessent donc leur prêchi-prêcha et aillent chercher d’autres occupations plus utiles à la société.

     La laïcité n’a jamais été la négation de la religion, mais bien au contraire elle suppose le respect de toutes les croyances sans distinction, dans un Etat neutre.

     Disons enfin qu’un Etat moderne et démocratique a le devoir et l’obligation de protéger ses citoyens contre toute oppression de quelque nature que ce soit.

      La piété et le degré de dévotion de l’être humain doivent être jugés par le Créateur et non pas par l’individu.       

                                                                                       LECOMTE                                    

 

     

        

  

 

     

                             

 

 

                                         

  

   

                            

 

 



02/11/2008
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